samedi 3 décembre 2016

Abattage des animaux de rente plus éthique ?

On me parlait de plus en plus d'abattage de bovins à la ferme au Danemark, j'ai donc décidé de creuser un peu l'affaire.


1 Historique


Avant tout il y a l'Europe et ses réglementations, directives et autres lois qui ont changé pas mal de choses dans le processus d'abattage. D'autre part il y a la notion du tout au moindre prix avec un max de rentabilité.


Ces 2 notions ensemble ont fermé la plupart des petits abattoirs de proximité (trop de frais à prévoir pour mettre aux normes Européennes, trop peu de rentabilité). Ces abattoirs à taille humaine où on se connaissait, ou on prenait soin de faire les choses correctement, à son rythme et dans un certain respect.


Maintenant le mode est à l'élevage et l'abattage industriel, tout est calibré, minuté, calculé pour avoir un maximum de rendement pour un investissement minimum. Les animaux doivent correspondre à des critères bien définis pour rentrer dans des chaines d'abattage standardisé. Ni trop grands, ni trop petits, ni trop gros ni trop maigres sinon ça dérègle toute l'histoire. Même chanson que pour les fruits et légumes 'moches' qu'on réfère jeter à la poubelle.


Donc d'après la législation tout animal destiné à la consommation humaine doit être envoyé à l'abattoir. Chaque abattoir est agréé pour un ou plusieurs types d'animaux.
La législation en terme de bien-être animal est particulièrement bien faite, si elle était appliquée on se croirait à bisounoursland. Mais L214 est arrivée avec ses images choc de videos tournées dans des abattoirs et non seulement la France mais une bonne partie de l'Europe s'est réveillée.
est donc revenu sur la table la notion d'abattage éthique, les gens désireux de continuer à manger de la viande sans cautionner ce genre de massacre à la chaîne.


2 Qui peut tuer quoi ?


Les abattages d’animaux pour usage privé, c’est-à-dire pour les besoins exclusifs du propriétaire de l’animal, peuvent être effectués dans un abattoir ou au domicile du propriétaire. Seul les abattages de volailles, de gibiers d’élevage, de lapins, de porcs, de chèvres et de moutons peuvent être effectués à domicile.
ceci bien sûr accompagné de toute une série de réglementations et limitations (différentes selon les états membres) mais ça n'est absolument pas interdit.

Il est aussi autorisé d'abattre sur l'exploitation du gibier d'élevage ainsi que les animaux réputés 'dangereux' (par exemple les bisons) destinés à la consommation publique.
Donc des dérogations à la loi existent et une entreprise suédoise a lancé le premier abattoir mobile où les vaches n'iraient plus à l'abattoir mais l'abattoir viendrait aux vaches. (N.B. les vaches et chevaux ne peuvent pas être abattus à domicile même pour consommation perso).
Mes notions de Suédois étant limitées je n'ai pas trouvé par quel miracle ils ont réussi à 'contourner' ou aménager les directives européennes mais ça a marché puisque ça fonctionne depuis 2013.

3 L'abattoir à domicile



La version Suédoise de l'abattoir mobile est la plus sophistiquée. Elle consiste en 2 containers qu'on peut coupler une fois arriver sur place pour y pratiquer l'abattage, la saignée et la découpe des bovins directement sur place. Le module étant autonome en eau et en électricité (donc pas de pollution extérieure). Un module peut abattre +- 30 bovins par jour. L'idée c'est que plusieurs producteurs s'associeraient pour faire abattre les bêtes à domicile et ainsi rentabiliser un module. La viande est vendue par le propriétaire de l'abattoir mobile. L'idée a fait des émules puisque la France est en train de faire les démarches pour mettre en route le même type de module sous l'appellation 'le boeuf ethique'.


En Suisse en en Allemagne une formule plus 'basique' a été mise en place qui permet l'abattage et la saignée à domicile mais oblige le producteur a conduire la carcasse en moins d'une heure dans l'abattoir le plus proche dans un caisson spécialement étudié à cet effet pour y être inspecté et découpé. Là ça devient donc extrêmement 'artisanal' dans le sens où il n'y a pas beaucoup de bêtes par jour qui peuvent être ainsi abattues et conduites (les carcasses ne pouvant pas se toucher pour des questions de contamination). Plus artisanal pour un investissement moindre et moins de paperasseries même si celles-ci sont incontournables.
Dans la pratique l'animal est abattu au sein du troupeau d'un coup de fusil, le corps rapidement suspendu et saigné avant d'être mis dans le container ad hoc et conduit à l'abattoir.
En Allemagne cette pratique n'est autorisée (pour l'instant) que pour les vaches vivant toute l'année à l'extérieur (et donc assimilée à des animaux sauvages/gibier), les fermiers travaillant avec des stabulations libres donnant sur l'extérieur sont déboutés car leurs vaches habituées à rentrer en stabulations pourraient être facilement embarquées et conduites à l'abattoir.
On voit donc qu'il y a d'une part le souci du producteur du bien être de ses animaux et de la qualité de la viande produite et d'autre part la sacro-sainte sécurité de la chaîne alimentaire.

4 Quel avantage et pour qui ?

Premier avantage : pour l'animal.
Il existe bien sûr des exploitations dégueulasses où l'animal est délivré d'une vie de misère par un dernier voyage à l'abattoir. Mais ceux-là ne seront de toute façon pas intéressés de payer plus pour gagner moins avec plus de contraintes de l'abattage à domicile.
Par contre pour les filières locales, bio, écolo, slow food etc, ces endroits où les animaux sont traités correctement, peuvent passer tout ou la majeur partie de leur vie en prairie, voire les mères élever leur veau au pis. Bref ces structures qui s'occupent réellement d'offrir à leurs animaux une vie digne, le départ pour l'abattoir est en quelque sorte anti-philosophique, puisque leur animal ne sera plus qu'un numéro parmi tant d'autres, poussé, tapé, empilé au milieu des autres avec tout le stress, la souffrance physique et psychologique qui s'en suit et qui entrainera une énorme perte de qualité de la viande ...
Etre abattu à la ferme ne stresse pas l'animal (à condition bien sûr que le tireur sache ce qu'il fait), il meurt au milieu de ses congénères, dans un endroit connu, entouré de personnes connues. Une fois qu'il est mort le stress n'a plus lieu d'être et le fait de conduire la carcasse à l'abattoir ou de le découper sur place n'est finalement qu'une question économique.

Deuxième avantage: pour le producteur
Ceux qui ont pris soin de leurs animaux peuvent suivre leur droite ligne de conduite et proposer à la vente un produit qui sort du lot, avec un minimum d'intermédiaires, une traçabilité compréhensible même par les non initiés pour un prix, je l'espère, plus juste. Bref être payé correctement pour un produit de qualité.

Troisième avantage: pour le consom'acteur
Celui qui, pour des raisons qui lui sont propres, ne veut pas devenir végétarien mais veut manger un produit sain, traçable, élevé selon des valeurs étiques (bio, local etc) et sortir de l'engrenage industriel.


1 commentaire:

  1. Un blog à suivre avec des infos vérifiées :-)
    Belle initiative qui je l'espère, engendrera une réflexion et plus de sens critique par rapport aux écrits qui foisonnent sur le net concernant le sujet.

    Bonne continuation ;-)

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